[Revue de Repress] Alice Island Band – Splendid Isolation


Voilà plus de dix ans, depuis 2008 exactement, que Splendid Isolation d'Alice Island Band est un album que je considère comme l'un de mes disques fétiches. Je l'ai découvert grâce au blog The Strange Experience of Music que je fréquentais assidûment à cette époque et à qui je dois en grande partie mon goût prononcé pour les disques rares, les musiques de traverses et les pépites obscures. Disons le simplement : si j'avais eu la possibilité de posséder un exemplaire de ce disque, il eut fait parti de mes disques de chevet !

Mais voilà, l'album en question est sorti à l'hiver 1974 en quantité... limité. Limité c'est le mot puisque seules 50 copies furent produites. Encore aujourd'hui j'ai en tête une sorte de légende selon laquelle on ne connaissait l'emplacement de seulement trois copies. J'avais visiblement dû lire ça sur une chronique rédigée par le collectionneur britannique Richard Falk (publiée notamment dans le livre Galactic Ramble). Popsike.com, le site d'archivage d'enchères spécialisé dans les vinyles, ne recense que deux ventes (pour les sommes modiques de 620 £ en 2006 et 1600 £ en 2014). Bref, pendant longtemps j'ai dû me contenter de fichiers mp3.

C'était sans compter sur le fait qu'une autre copie allait refaire surface grâce au français Quentin Orléan. Lui aussi découvre l'album grâce à The Strange Experience of Music. Passionné de pressages privés il explore les blogs spécialisés, se plonge dans la lecture de livres tels que Acid Archives de Patrick Lundborg, ou Endless Trip et Galactic Ramble de Richard Morton Jack et arpente les réseaux sociaux. Convaincu que pour dénicher un maximum d'informations sur ce genre de disques, il est nécessaire d'aller directement à la source, il se met en quête des artistes eux-mêmes en vue de publier  des interviews sur son blog. C'est ce travail qui va l'amener à contacter Keith Hughes, le co-compositeur de Splendid Isolation. D'abord il finit par trouver le deuxième prénom de Hughes et dans la foulée une entreprise anglaise où ce dernier avait travaillé récemment. Ni une ni deux, il contacte l'entreprise en question et bingo : Keith lui répond ! Je laisse la parole à Quentin pour raconter la suite :

« Ce disque est un Graal pour de nombreuses personnes et ce depuis longtemps, mais je fus chanceux car le premier à contacter Keith Hughes à ce sujet, 44 ans après la publication de l'album. Il fut suffisamment généreux pour me donner une copie originale. Et avec Alexandre Mansuy, nous avons contacté les propriétaires des labels Guerssen et Wah Wah. Seuls les seconds étaient intéressés par une réédition, et voilà ! J'avais déjà travaillé avec Wah Wah sur la réédition du disque français Long Orme. Et nous avons encore d'autres projets ensemble qui j'espère pourront aller jusqu'au bout. Pour Alice Island Band, Roger Moore (pas l'acteur) a encore les bandes masters donc la réédition est de grande qualité, même meilleure que l'original ».

Quentin ajoute que Keith et Roger ont également parlé de deux projets d'Alice Island Band pré-Splendid Isolation. Un album nommé Cinderella's Party de 1968 et la même année le EP Dawn Tomorrow. Et de préciser que « le premier a aussi ce charme de l'enregistrement amateur qu'on retrouve sur Splendid Isolation, qu'il est assez mélodiques et possède aussi une atmosphère proche de ces disques d'écoles (Haze, Reality from Dream ou Jaffray). Le EP a un côté pop assez abouti, proche de ces enregistrements/démo jamais publiés à l'époque mais qui se retrouvent souvent réédités au 21ème siècle (comme Airbus, West Coast Consortium, Angel Pavement etc...) ».

Je ne peux pas m'empêcher de trouver cette histoire formidable, ni d'imaginer ce qu'a pu penser Keith en lisant le message de Quentin si longtemps après la sortie de son album.


Et avec tout ça, je ne vous ai toujours pas dit à quoi ressemblait la musique gravée sur ce fameux disque ! Ce n'est pas que j'ai la flemme, mais pourquoi ne pas vous recopier ici les quelques lignes grâce auxquelles j'ai moi-même découvert Alice Island Band via The Strange Experience of Music ?

« L'acid folk réserve décidément encore bien des mystères. Le dernier en date s'appelle Alice Island Band et réunit un poète (Tim Phillips), un philosophe (Keith Hugues) et une princesse (Cinny Lawry). Dès la première écoute, on pense forcément à Agincourt et Tony, Caro and John mais leur musique se différencie par un abord plus pop/rock. Les compositions auraient été ouvragées pendant l'été 68, les séances d'enregistrement ne débuteront pourtant que fin 73 sous la houlette d'un certain Roger Moore, qui endosse également le rôle de co-compositeur avec Keith Hugues. L'album verra finalement le jour un an plus tard dans la plus stricte intimité (50 copies seront pressées). La pochette présente les trois musiciens dans une bâtisse à l'état de ruine, installés derrière les vestiges d'une fenêtre, le regard absorbé et fasciné devant la scène ou le panorama qui se dessine sous leurs yeux. La musique du trio est à l'image de ce décor : elle évolue dans un univers singulier et décalé capable d'éclats et de liberté de mouvements à chaque instant ».

Je n'ai pas grand-chose de plus à dire en réalité. The Strange Experience of Music regorge certes de disques obscurs pressés à quelques copies, mais celui-ci (et quelques autres il est vrai), sort du lot pour moi. Il m'arrivait d'y revenir régulièrement alors que j'écoute assez peu d'albums par ordinateur (de la musique oui, des albums en tant que tels non). Aujourd'hui je suis donc très heureux de l'avoir physiquement, de pouvoir poser un diamant sur ce bijou et de vous en parler de par le fait. Si vous voulez l'écouter à votre tour ça se passe par ici :


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